Alejandro Cardenas, Calypso of Ogygia, 2022, Acrylic on canvas 127 x 177.8 cm50 x 70 in © Alejandro Cardenas. Photo: Dan Bradica
« Paradoxa » est le titre qu’Alejandro Cardenas a choisi pour sa troisième exposition solo chez Almine Rech, la deuxième à Paris après « Paradaoxa ». Ici, Cardenas dialogue par la peinture et la sculpture avec l’Odyssée d’Homère, et plus précisément les années qu’Ulysse passe en Ogygie avec la nymphe Calypso.
Avant de plonger plus avant dans l’interprétation que fait Cardenas de cette partie de l’épopée, il convient de noter qu’il a divisé l’exposition en trois parties. L’espace principal est consacré au séjour d’Ulysse en Ogygie ; une salle attenante traite des prétendants de Pénélope, tandis qu’une troisième propose des méditations sur les questions que soulève l’exposition.
Les derniers travaux de Cardenas constituent un moment particulier dans la peinture et la sculpture contemporaines : ils incarnent les réflexions d’un artiste qui a choisi de prendre à bras le corps une source textuelle classique, à une époque où la tendance est plutôt aux présentations obliques de traces d’idées, comme Jean-Luc Nancy l’explique dans son essai Les Muses. On retrouve dans les vers mêmes de l’Odyssée d’Homère la matrice des peintures et sculptures de « Calypso ». Les œuvres ne sont cependant pas de simples ekphrasis visuelles confinées à l’Odyssée. Cardenas tisse des réseaux de sens qui traversent le temps : entremêlant épopée d’Homère et sculptures de la Grèce antique, il fait aussi appel à des références d’époques et de régions différentes pour en approfondir ou en altérer le sens.
Le point de départ de l’espace principal semble puiser dans la flore et la faune luxuriante des peintures d’Henri Rousseau. Les paysages du Douanier Rousseau – et donc de Cardenas - font écho aux descriptions qu’Homère fait de l’Ogygie, île recouverte de cèdres, genévriers, peupliers, cyprès, jeunes vignes, violettes, persil, et peuplée de chouettes, éperviers et corneilles marines (cf. V, 55-75). La référence à Rousseau est tout aussi importante au vu de l’échelle des toiles. Tout comme ce dernier joue avec les proportions qui lient ses personnages à leur environnement, Cardenas peint des personnages plus grands que nature pour restituer le statut et les capacités extraordinaires qu’Homère leur confère. Ces grands formats ont exigé un coup de pinceau plus pictural que certaines des œuvres antérieures de Cardenas.
Certains tableaux figurant des paysages à la mode du Douanier Rousseau ajoutent à l’ Odyssée d’autres éléments. The Fate of Mortals, par exemple, représente un iguane en vanité - en Floride, les iguanes sont classés espèce invasive en raison des dégâts qu’ils provoquent sur la faune endémique. À l’instar des paysages dépeints, Lament of Odysseus figure en peinture les vers de l’Odyssée. L’épopée décrit Ulysse, assis sur le rivage, quand Calypso lui annonce qu’il est enfin libre (cf. V, 145-155). Et dans le tableau, sa posture évoque le Pugiliste des Thermes, bronze hellénistique conservé dans les collections du Musée national romain. On peut aussi s’interroger sur les rayures qui courent le long du corps d’Ulysse : elles sont inspirées par la tenue d’un homme qui a lui aussi passé sa vie en mer, Jacques Cousteau, dont la combinaison de plongée était ornée d’une série de rayures dorées. L’allusion au célèbre Commandant n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard : Cardenas lui-même a été en contact avec l’une des nombreuses survivances de l’Odyssée d’Homère quand, à la fin des années 1980, la Calypso - le navire en bois de Cousteau - est reconstruit à Miami, où l’artiste a grandi et se souvient de l’avoir vu.
Almine Rech
Espace Turenne
64 rue de Turenne
75003 Paris
t + 33 (0)1 45 83 71 90
contact.paris@alminerech.com
www.alminerech.com
Avant de plonger plus avant dans l’interprétation que fait Cardenas de cette partie de l’épopée, il convient de noter qu’il a divisé l’exposition en trois parties. L’espace principal est consacré au séjour d’Ulysse en Ogygie ; une salle attenante traite des prétendants de Pénélope, tandis qu’une troisième propose des méditations sur les questions que soulève l’exposition.
Les derniers travaux de Cardenas constituent un moment particulier dans la peinture et la sculpture contemporaines : ils incarnent les réflexions d’un artiste qui a choisi de prendre à bras le corps une source textuelle classique, à une époque où la tendance est plutôt aux présentations obliques de traces d’idées, comme Jean-Luc Nancy l’explique dans son essai Les Muses. On retrouve dans les vers mêmes de l’Odyssée d’Homère la matrice des peintures et sculptures de « Calypso ». Les œuvres ne sont cependant pas de simples ekphrasis visuelles confinées à l’Odyssée. Cardenas tisse des réseaux de sens qui traversent le temps : entremêlant épopée d’Homère et sculptures de la Grèce antique, il fait aussi appel à des références d’époques et de régions différentes pour en approfondir ou en altérer le sens.
Le point de départ de l’espace principal semble puiser dans la flore et la faune luxuriante des peintures d’Henri Rousseau. Les paysages du Douanier Rousseau – et donc de Cardenas - font écho aux descriptions qu’Homère fait de l’Ogygie, île recouverte de cèdres, genévriers, peupliers, cyprès, jeunes vignes, violettes, persil, et peuplée de chouettes, éperviers et corneilles marines (cf. V, 55-75). La référence à Rousseau est tout aussi importante au vu de l’échelle des toiles. Tout comme ce dernier joue avec les proportions qui lient ses personnages à leur environnement, Cardenas peint des personnages plus grands que nature pour restituer le statut et les capacités extraordinaires qu’Homère leur confère. Ces grands formats ont exigé un coup de pinceau plus pictural que certaines des œuvres antérieures de Cardenas.
Certains tableaux figurant des paysages à la mode du Douanier Rousseau ajoutent à l’ Odyssée d’autres éléments. The Fate of Mortals, par exemple, représente un iguane en vanité - en Floride, les iguanes sont classés espèce invasive en raison des dégâts qu’ils provoquent sur la faune endémique. À l’instar des paysages dépeints, Lament of Odysseus figure en peinture les vers de l’Odyssée. L’épopée décrit Ulysse, assis sur le rivage, quand Calypso lui annonce qu’il est enfin libre (cf. V, 145-155). Et dans le tableau, sa posture évoque le Pugiliste des Thermes, bronze hellénistique conservé dans les collections du Musée national romain. On peut aussi s’interroger sur les rayures qui courent le long du corps d’Ulysse : elles sont inspirées par la tenue d’un homme qui a lui aussi passé sa vie en mer, Jacques Cousteau, dont la combinaison de plongée était ornée d’une série de rayures dorées. L’allusion au célèbre Commandant n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard : Cardenas lui-même a été en contact avec l’une des nombreuses survivances de l’Odyssée d’Homère quand, à la fin des années 1980, la Calypso - le navire en bois de Cousteau - est reconstruit à Miami, où l’artiste a grandi et se souvient de l’avoir vu.
Almine Rech
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Portrait d'Alejandro Cardenas, 2022 © Alejandro Cardenas. Photo: Dan Bradica